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Avec la détection du premier cas de COVID-19 le 17 mars 2020, le Cameroun entrait de plein pied dans la longue liste des pays affectés. La pandémie tant redoutée était à Yaoundé, la capitale. Deux semaines plus tard, elle avait atteint Garoua, chef-lieu de la Région du Nord. Mais alors une région qui enregistrait déjà de faibles indicateurs de développement humain, plus particulièrement dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive. Si l’enquête de démographie et de santé de 2018 rapportait qu’à l’échelle nationale, le ratio de mortalité maternelle était de 406 décès pour 100 000 naissances vivantes, seul 37% des naissances s’effectuait dans un établissement de santé dans le Nord. Ce qui représentait le rapport le plus bas du pays, comparé à la Région du Littoral qui enregistrait 95%. Avec 0,6% de naissances par césarienne enregistrées, le Nord était à l’avant dernière position contre une moyenne nationale de 4%. Pour la même période, la région n’enregistrait que 40% de naissances assistées par un personnel de santé formé.


Photo : Entrée « Maternité COVID-19 Free »,
Hôpital Régional Garoua / UNFPA/ 2021

Compte tenu de ces indices de vulnérabilité, l’irruption de la pandémie à coronavirus ne pouvait qu’exacerber les risques de mortalité et de morbidité maternelles et néonatales. Selon une modélisation effectuée sur le Cameroun en 2020 par le Mécanisme de Financement Mondial (GFF), la pandémie de COVID-19 pourrait perturber les services essentiels de santé en raison des obstacles à l’offre et à la demande. Du côté de l’offre, ces perturbations pourraient laisser 270 600 enfants sans antibiotiques oraux pour la pneumonie ; 841 600 enfants sans vaccin contre le DTC (Diphthérie, Tétanos et Coqueluche) ; conduire à 137 800 accouchements en moins dans un établissements de santé et 480 100 femmes en moins bénéficiant de services de planification familiale. De fait, il en résulterait une augmentation de 11 % de la mortalité infantile et de 16 % de la mortalité maternelle pendant les 12 mois suivants. Quant à la disponibilité des contraceptifs et des produits vitaux de santé maternelle dans les points de prestation de services au Cameroun, une enquête réalisée avec l’appui de UNFPA, a montré qu’en 2020, la fréquentation des formations sanitaires par les clients des services de planification familiale a diminué dans 65% des formations sanitaires.

Ainsi, en guise de contribution au plan de riposte du gouvernement contre la COVID-19, UNFPA, à travers le Projet d’Appui à la Santé Maternelle Infantile et Néonatale (PASMNI), financé par la Banque Islamique de Développement (BID), a facilité la mise en place des « maternités COVID-19 Free » dans 24 formations sanitaires ainsi que la stratégie de mise à disposition de 1261 « Baby Box » dans 21 établissements de santé. Ces adaptations programmatiques ont permis d’assurer la continuité de l’offre des services de santé sexuelle et reproductive malgré la prévalence de la COVID-19. Le Nord qui fait partie des zones d’intervention prioritaire de UNFPA a bénéficié de ces innovations.

« La maternité COVID-19 Free » et le retour de la sérénité à l’accouchement


Photo : Dr. François Dadao, Maternité Hôpital
Régional Garoua/ UNFPA/ 2021

La maternité de l’Hôpital Régional de Garoua ne désemplit guère. Jour et nuit, sauf en cas de régulation expresse, il y a les allers et retours des gardes malades, des femmes enceintes, des femmes atteintes ou traitées de fistule obstétricale, des femmes ayant accouché, du personnel de santé. Le rythme est accéléré et soutenu. La notion d’urgence est bien intégrée. A force de patience et grâce à la facilitation d’une habituée des lieux, un échange technique avec les médias est enfin possible. Gynécologue obstétricien, récemment formé pour une spécialisation en chirurgie obstétricale par UNFPA, Dr François Dadao qui dirige le pavillon maternité, présente son service et parle de la contribution de ce dernier dans la riposte contre la COVID-19 dans le Nord.

« Lorsque le Ministre de la santé publique a instruit la décentralisation de la prise en charge de la COVID-19 dans les hôpitaux de référence au niveau des Régions, chaque compartiment de notre hôpital devrait apporter sa contribution. Notre maternité avait l’avantage d’avoir été récemment réhabilitée et équipée par UNFPA. Avec la décision de prendre en charge tous les cas de COVID-19 de la Région du Nord, UNFPA est venu avec les équipements de protection individuelle pour assurer la sécurité du personnel de la maternité. Il a également apporté les équipements de détection et d’isolement des femmes enceintes atteintes du Coronavirus. Ce dispositif assure la référence et la contre référence en interne, entre les services de maternité et ceux de la réanimation dont l’expertise a été adaptée aux exigences de l’urgence sanitaire. C’est le circuit dressé et l’ensemble des précautions prises dans et autour de la maternité pour offrir les soins d’accouchement assisté aux femmes enceintes atteintes ou non de COVID-19 en contexte de riposte contre cette pandémie que nous avons appelé « maternité COVID-19 Free » explique sereinement le médecin.  

« Baby Box » : une incitation à accoucher dans les maternités

A Pitoa, situé à 15 kilomètres de Garoua sur l’axe de Maroua, la riposte contre la COVID-19 a mis l’accent sur une opération de charme, la distribution des kits de layette ou « Baby Box », dans le but d’inciter les femmes enceintes à accoucher dans les maternités. Dr. Zé Pierre Arsène, directeur de l’Hôpital de District de Pitoa rappelle que la COVID-19 a failli détruire tous les efforts investis au cours des cinq dernières années. Le nombre de femmes qui respectaient leurs échéances de consultations prénatales et postnatales avait drastiquement diminué. Les accouchements à domicile, sans assistance de personnel de santé formé, étaient en voie de redevenir la règle générale.

Le Dr. Zé confirme que c’est dans ce contexte que le Délégué Régional de la Santé Publique et UNFPA ont offert 100 "Baby Box" à l’Hôpital de District de Pitoa. « De concert avec le chef de district de santé, nous avons redynamiser les agents de santé communautaires pour mener la sensibilisation dans tous les aires de santé, à Dolla, Tchollaram, Boula-Ibi et à Poussane. Cela a porté fruit. Les femmes enceintes sont venues massivement, parfois accompagnées de leurs conjoints. Ce retour des femmes dans les services de maternité s’est accompagné avec une hausse des cas de référence. Les fréquentations sont passées, en moyenne, de 3 à 18 par semaine, entre octobre et décembre 2020. ».


Photo : Bénéficiaires de « Baby Box », leur
enfants et ASC, Hôpital District de Pitoa /
UNFPA /2021

Les critères pour bénéficier d’un kit de layette reposaient sur le respect des consultations prénatales, des bilans biologiques avec échographie et des 72 heures de suivi post-natal. Pour Fondop Daniel, major de la maternité, « Même s’il y avait 2000 "Baby Box", on aurait pu les distribuer en moins d’un an. Les femmes venaient d’autres districts et même de Garoua pour accoucher ici chez nous. Nous avons profité de cette affluence pour systématiser le suivi post-natal de la mère et du nouveau-né ainsi que les services connexes tels que la déclaration de naissance aux fins d’établir l’acte de naissance ainsi que la sensibilisation sur la planification familiale. Même comme les "Baby Box" sont finis depuis longtemps, ces bonnes pratiques instaurées sont restées. Avant, les femmes qui accouchaient ici rentraient le même jour ou le lendemain matin. Aujourd’hui toutes honorent le suivi post-partum et plus de la moitié sont assistées par leurs maris. Pour celui qui connait les habitudes des populations d’ici, il s’agit là d’une transformation profonde ».  

Souré Bernadette, 35 ans, bénéficiaire d’un "Baby Box" et ayant accouché en octobre 2020 raconte que c’est l’envi de gagner le cadeau de layette qui a motivé son mari, Kasi Augustin, l'a envoyé accoucher à l’Hôpital de District de Pitoa. « Nous avons 6 enfants, mais c’était ma première fois d’accoucher dans un hôpital. Tout cela n’a été possible que parce que mon mari voulait qu’on gagne ce cadeau. ».  Fadoubne Viviane, 23 ans, deux enfants et ayant accouché au même moment confirme que c’est l’appât du "Baby Box" ainsi que les longues années d’amitié entre son mari et l’agent de santé communautaire, Sougna Jean, qui ont favorisé la décision de venir accoucher à l’hôpital après avoir suivi avec satisfaction tous les critères fixés. 

Sur l’axe de Ngaoundéré, à 45 km de Garoua, l’Hôpital de District de Ngong a mis en place un système dual fait de "maternité COVID-19 Free" et de distribution des "Baby Box" aux femmes qui viendraient accoucher. Dr. Ivan Paul Toko Mangan, directeur de l’Hôpital de District de Ngong, rapporte que la salle d’isolement des femmes enceintes et présentant les signes modérés de COVID-19 comprend deux lits d’accouchement, des extracteurs d’oxygène et d’autres équipements qui aident à stabiliser les patientes avant d’organiser leur référence par véhicule ambulance vers l’hôpital de référence de Garoua. « Ici, nous entretenons parallèlement un réseau de maternités SONU au sein duquel nous assurons les prestations de mentorat pour le personnel des centres de santé intégrés. Chaque jour qui passe depuis mon arrivée ici en 2019, l’hôpital de district de Ngong se transforme comme un petit hub pour l’offre de services de santé reproductive pour les habitants de Ngong et ceux des aires de santé tout autour », se réjouit le médecin. Il convient de lever que les progrès similaires sont perceptibles dans d’autres districts de santé du Nord, que ce soit à Bibemi, à Guider, à Poli ou à Lagdo.